Les Drivers -Taibi Kahler-
Attention, faites vos jeux (psychologique), rien ne va plus !
Cette expression est apparue au XVIIe siècle, lorsque le jeu de la roulette a été créé. Avant chaque nouveau lancé de bille, le croupier du casino s’exprime ainsi « Faites vos jeux, Rien ne va plus ! ». Chaque parieur joue sur la couleur et le chiffre qu’il pense gagnant.
De quoi parle t’on ici ?
On parle des cinq messages inspirés des principes de l’analyse transactionnelle, appelés « drivers », qui influencent et motivent en sous-main nos comportements.
Qui est à l’origine des drivers ?
C’est le psychologue américain Taibi Kahler qui, a identifié le premier
cinq messages, appelés « drivers ».
De ses travaux est né l’un des outils majeurs de l’analyse transactionnelle : le modèle
« Process Communication ».
Cet outil, récompensé par le prix Éric Berne en 1977, a eu la NASA comme premier utilisateur, pour sélectionner les astronautes capables de travailler en bonne entente même confinés dans l’espace.
Comment s’organisent les drivers ?
Taibi Kahler a recensé 5 messages contraignants ou drivers, que nous enregistrons dès notre prime enfance au travers notre éducation, notre culture et nos expériences de vie avant de les intérioriser. En grossissant le trait, ce sont eux qui prennent le pouvoir lorsque nous fonctionnons sous pression ou en « mode automatique ».
• Sois parfait !
• Sois fort !
• Dépêche-toi !
• Fais des efforts !
• Fais plaisir !
Et dans l’entreprise, concrètement, ça se passe comment ?
Reconnaître les drivers chez soi et les repérer chez les autres permet une meilleure communication au sein des équipes et plus de bienveillance entre ses membres. L’ensemble contribuant à faire gagner en maturité et en performance les équipes.
Comment les repères t-on ?
Généralement, chacun d’entre nous possède deux drivers principaux.
Ils se mettent en action quand nous agissons sous stress ou sous pression. Et c’est là que nous devenons des « personnalités difficiles » pour les autres !
Connaître les siens et repérer ceux des autres permet de s’en émanciper en lâchant ces comportements impulsifs, réactifs, répétitifs et insatisfaisants.
Pour les repérer chez soi, des tests existent avec leur marge d’erreur et d’approximation car personne n’est totalement rouge ou noir pour reprendre la symbolique du jeu de la Roulette.
Et c’est là que le véritable travail commence :
Il ne suffit pas d’observer un voyant rouge s’allumer sur votre tableau de bord pour que la panne soit réparée !
Après la prise de conscience de vos drivers ou « contre-drivers », un coach vous permettra d’ajuster votre comportement à la situation et de mettre de l’huile dans les rouages de votre environnement.
Pensez que les drivers ne s’arrêtent pas à la porte du bureau, vous les ramenez aussi à la maison !
Pour mieux les repérer chez soi et chez les autres, je me suis permis de grossir le trait de certains comportements induits par ces 5 drivers.
1. Le sois parfait.
« Marie trouve toujours quelque chose à redire au travail de son équipe. Les bilans post-mortem sont nombreux et les célébrations rares. Du coup, son comportement déteint sur l’équipe et tout le monde est focalisé sur ce qui ne va pas. Les résultats s’en ressentent et le pessimisme gagne ».
Le « Sois parfait » est un perfectionniste. Il s’agit d’une personne qui a un très haut niveau d’exigence envers elle comme envers les autres. Souvent insatisfaite, elle a du mal à déléguer. Peur du jugement
Origine possible : intériorisation de messages comme « Tu aurais dû mieux faire »,
« quelle note ont eu les autres ? », obligation de réussir.
Ses points positifs : compétence, rigoureux, cohérent, minutieux, méthodique, ponctuel, ordonné
Ses contraintes : maniaque, perd de vue l’essentiel, a du mal à se remettre en question, passe trop temps sur une tâche, préfère ne pas faire que faire mal, peu procrastiner, rigide, autocratique, excessif dans ses attentes.
Aime travailler seul ou en binôme de façon à pouvoir « contrôler »
Comment communiquer avec un « Sois parfait » ?
Ce qui l’énerve : lui dire qu’il a mal agi, le prendre en défaut
Ce qu’il aime : feedback sur sa compétence, la qualité de son travail, ses qualités morales ou intellectuelles
2. Le sois fort.
« Frédéric est mal perçu dans son équipe : un froid glacial règne autour de lui. Son management est rigide. Son équipe hésite à lui faire remonter les informations tant elle redoute ce qu’elle perçoit comme un manque d’écoute et de considération. Le malaise est perceptible et la communication brouillée : Frédéric d’un côté et l’équipe de l’autre. De l’extérieur, on se demande qui compte les points ».
Le « Sois fort » est une personne autonome. Il s’agit d’une personne qui trouve seul les solutions. Elle cache ses émotions qu’elle considère comme une faiblesse. Parfois renfermée, froide et distante, elle ne sait pas se faire aider. Souvent elle complique et rend les choses difficiles.
Origine possible : intériorisation de messages comme « ce qui ne tue pas, rend plus fort », « un garçon, ça ne pleure pas », « il faut être courageux »
Ses points positifs : auto-suffisant, calme sous la pression, rationnel, respecte ses engagements, apporte des réponses, prends des responsabilités
Ses contraintes : Prend des risques excessifs. Informe peu et a du mal à travailler en équipe. A du mal à exprimer clairement ce qu’il veut, conséquence, fatigue ses collaborateurs qui ont du mal à le comprendre. Il peut être considéré comme rigide et méprisant avec ceux qu’il considère comme « faibles »,
Comment communiquer avec un « Sois fort » ?
Ce qui l’énerve : faire du sentiment avec lui, les compliments, les open-spaces
Ce qu’il aime : respecter son goût de la solitude.
3. Le dépêche toi
« Antoine va encore faire une crise car le dossier Delta n’est pas encore bouclé. C’est toujours pareil avec lui, il faut toujours tout pour hier ! En imposant son rythme à son équipe, Antoine crée des résistances et démotive son équipe. L’urgence ne peut pas devenir la norme sans créer des dégâts en termes d’erreurs comme de risques psychosociaux (dépression, turn-over et burn-out). »
Le « Dépêche-toi » est une personne stimulée par la pression. Il s’agit d’une personne qui met la rapidité comme critère de réussite. Elle est capable de réagir rapidement et de respecter des délais très courts.
Origine possible : intériorisation de messages comme « arrête de traîner », « tu es trop lent », « avance », « tu nous met en retard ».
Ses points positifs : vif, fonceur, ambitieux, aime tout faire dans les plus brefs délais, fourmille d’idées, prend des décisions rapides.
Ses contraintes : intolérant à la routine et aux autres plus lents, impatient, procrastine jusqu’à ce que la tâche devienne urgente, fait des erreurs dans la précipitation. Ne prend pas assez de temps pour décider. Se trompe sur les capacités des autres. Met la pression sur les autres et sur lui.
Comment communiquer avec un « Dépêche-toi » ?
Ce qui l’énerve : lui dire qu’il est mou quand il procrastine, perdre du temps en repas, réunions,
Ce qu’il aime : la vitesse de décision et d’action, la parole directe et sans ambages.
4. Le fais des efforts.
« Alain est une personne dure avec lui-même et avec ses équipes. Pour lui, le travail c’est dur et la pénibilité, la norme. Il est respecté par les anciens de son équipe et
ceux qui l’ont vu évoluer à la force du poignet. En revanche, il n’arrive pas à se faire entendre des juniors. Les tensions se multiplient et les nouveaux talents ne restent pas ».
Le « Fais des efforts » est une personne qui est plus attachée à l’énergie dépensée qu’au résultat. Impliquée, elle apprécie les nouvelles tâches.
Origine possible : intériorisation de messages comme « à vaincre sans péril on triomphe sans gloire », « toute réussite passe par des choses pénibles »
Ses points positifs : relève des défis, grande productivité, multitâches, persévérant, donne le meilleur d’elle-même, ne compte pas ses heures
Ses contraintes : complique les choses quand c’est trop facile, se noie dans les détails, a du mal à préciser sa pensée. Centré sur les processus et les règles plus que sur le résultat et les actions : montrer qu’il a essayé aussi important pour lui que d’avoir réussi.
Comment communiquer avec un « Fais des efforts » ?
Ce qui l’énerve : les personnes qui se plaignent, parler de bonheur et de réussite, les feedbacks car c’est pour lui « normal » de beaucoup travailler
Ce qu’il aime : les personnes qui ne craignent pas de se fatiguer, font plusieurs choses en même temps, les réunions et les discussions de groupe où il peut faire des interventions provocatrices.
5. Le fais plaisir
« Catherine est une personne sympathique qui semble tout faire pour être appréciée
de son équipe. Elle considère son propre management bienveillant. Et pourtant… son équipe se plaint ! Certains la trouvent insuffisamment décisive dans les négociations, trop indécise pour poser un cadre protecteur. Bref, ils considèrent que la consulter est une perte de temps et elle en souffre comme une injustice. Des tensions apparaissent et les incompréhensions mutuelles se cristallisent. Son management est
remis en cause alors qu’elle pense se donner à fond pour l’équipe. Catherine vit très mal la situation qu’elle considère comme un rejet de sa personne ».
Le « Fais plaisir » est une personne qui est plus attachée à faire le bonheur à tout prix.
Origine possible : intériorisation de messages comme « il faut être gentil », « Ne sois pas égoïste », « Tu me fais de la peine »
Ses points positifs : empathique et altruiste, de bonne compagnie, convivial, séduisant,
disponible, serviable, maternant, gentil, serviable, compréhensif et sympathique,
Ses contraintes : envahissant, ne prend pas l’autre en considération, ignore ses propres
besoins et s’oublie dans l’échange, manque d’autorité, se laisse influencer, ne sait pas dire non, débordé, ne sais pas mettre de priorités, a peur des responsabilités, se culpabilise facilement, vit mal les conflits, perd souvent dans les négociations.
Comment communiquer avec un « Fais plaisir » ?
Ce qui l’énerve : Etre froid et distant, les tensions du groupe
Ce qu’il aime : travailler en groupe avec des personnes avec qui il s’entend bien, faire les
choses sans qu’elles lui soient demandées, les compliments sur son côté sympathique.
D’où viennent-ils ?
Comme nous l’avons-vu, ces 5 drivers, que nous avons chacun intériorisés, nous viennent de notre éducation ou de nos expériences passées, nous nous y conformons sans y penser car nous avons toujours fait ainsi.
Et parfois la fameuse « crise » de rébellion peut survenir. Elle s’appelle crise de la quarantaine, crise millénial, crise générationnelle, etc. Tous les âges sont concernés ! Il s’agit d’un moment de rupture où la personne ne veut plus faire comme avant, c’est-à-dire comme elle a toujours fait !
L’instant où elle va entrer en rébellion contre ses drivers dans un dialogue intérieur que l’analyse transactionnelle appelle un « mini scénario ».
Exemple d’une rébellion, de mini scénario:
- Un « Sois parfait » Je pense que je vais essayer mais j’ai peur de ne pas y arriver et d’être pris en défaut. Alors je fais le contraire et tant pis pour les autres… et je rate comme je l’avais prévu. C’est le bénéfice (négatif) de la situation.
- Un « Dépêche-toi » pourra rendre ses rapports en retard
- Un « Fais plaisir » se murera dans le silence culpabilisant, se victimisera et « cassera l’ambiance »
- Un « Sois fort » s’effondrera alors que l’équipe comptait sur lui (comme d’habitude !)
- Un « Fais des efforts » s’effondrera en burn-out…
Et là encore, au-delà des douleurs et insatisfactions personnelles c’est la performance de toute l’entreprise qui trinque !
Les drivers et mini scénarios influencent nos comportements, ceux des autres par ricochet. Ils sont un frein à la dynamique d’équipe. Chacun campant sur ses positions
(de vie).
Comment agir avant le « rien ne va plus » ?
Comment un coaching peut transformer ce jeu de hasard en un échange gagnant- gagnant où chacun des équipiers prend plaisir à jouer ?
En coaching individuel en travaillant sur les autorisations que la personne coachée se donne pour changer ses messages contraignants en messages permissifs.
En coaching d’équipes, en posant un miroir sur le fonctionnement du groupe à l’aide de mise en situation et d’ateliers de façon à provoquer une prise de conscience et un engagement individuel et collectif vers de nouvelles pratiques.
Parfois il est nécessaire de coacher le manager (ou le dirigeant) individuellement puis avec son équipe pour évacuer les tensions du passé et unir tout le monde sur de nouveaux comportements.
Des outils comme le speed-meeting, la chaise chaude, les bilans de fonctionnement ou l’Ad Vitam permettent de co-construire le modèle de réussite de l’équipe avec l’adhésion de tous.
Le hasard de la bonne rencontre, de la bonne entente sous la pression, en entreprise est quelque chose qui se construit.
Si un coach peut vous accompagner, c’est vous qui avez la martingale du hasard en mains pour la transformer en chance récurrente !
La chance est une compétence, elle se travaille !
Auteure de l’article
Sylvie Grimblat
Coach professionnelle certifiée en neurosciences
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